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L'affaiblissement et l'intensification du sens (hyperbole et litote).




L'affaiblissement du sens est une conséquence de l'emploi abusif, hyperbolique des mots: il présente un moyen affectif de la langue.

Les hyperboles sont bien fréquentes parmi les formules de politesse. On dit être ravi, être

enchanté de faire la connaissance de qn sans prendre les mots à la lettre. On exagère sans trop le remarquer lorsqu'on dit c'est assommant, esquintant, crispant, tuant, rasant pour «c'est ennuyeux!» ou bien il y a des siècles, il y a toute une éternité qu 'on ne vous a pas vu pour «il y a très longtemps qu'on ne vous a pas vu». Très imagées sont aussi les hyperboles telles que aller comme le vent, marcher comme une tortue, verser un torrent de larmes.

Grammaticalisation et lexicalisation.

L'évolution sémantique peut conduire, d'une part, à la grammaticalisation de mots pleins et d'autre part, à une lexicalisation des formes grammaticales. La grammaticalisation suppose la transformation graduelle d'une signification individuelle, donc lexicale, en une signification catégorielle d'ordre grammatical, alors que la lexicalisation repose sur un processus inverse.

Ainsi pas mal de mots-outils du français moderne sont d'anciens mots autonomes à sens lexical. L'histoire de la langue française nous fournit une quantité d'exemples de ce genre. Il est connu que l'article indéfini un, une provient de l'adjectif numéral latin unum > un; unam > une.

LA FORMATION DES MOTS.

1. La dérivation affixale

a) suffixation (des adverbes, des substantifs, des adjectifs, des verbes)

b) la préfixation (des verbes, des substantifs, des adjectifs).

2. La dérivation parasynthétique, régressive et impropre.

3. La composition.

4. Le télescopage.

5. Les différents types d'abréviation.

6. Le redoublement.

7. L'onomatopée.

La formation des mots et son rôle dans l'enrichissement lexical. La formation des mots est

à côté de l'évolution sémantique, une source féconde de l'enrichissement du vocabulaire français.

La dérivation par suffixes. Généralités. La dérivation suffixale est un procédé de formation bien vivant et particulièrement productif dans le français contemporain, ce qui est démontré avec évidence par J.Dubois dans son ouvrage «Etude sur ladérivation suffixale en français moderne et contemporain».

Le degré de vitalité et de productivité des suffixes existants, n'étant pas toujours le même au

cours du temps, nous sommes en présence de deux tendances contraires: certains suffixes ont à peu

près ou tout à fait cessé d'être productifs; d'autres sont en pleine vigueur et productivité. Pourtant

les suffixes moins productifs ne sont pas sans importance, eux non plus, dans le français d'aujourd'hui. C'est que ces suffixes qui étaient jadis bien productifs, ont enrichi le vocabulaire d'un grand nombre de mots qui ont reçu un large emploi; certains de ces mots font partie du fonds usuel du vocabulaire. Entre autres, on peut signaler les dérivés avec les suffixes peu productifs aujourd'hui néanmoins fort répandus. Parmi ces suffixes nommons –eur (grandeur), -esse (tendresse), -ise (franchise), etc.

Les parties du discours sont à un point différents sujets à la suffixation. Ce sont surtout les

nominaux (substantifs, adjectifs, adverbes) qui sont caractérisés par la suffixation. Les verbes formés à l'aide de suffixes sont relativement moins nombreux.

La suffixation des adjectifs. La suffixation est aussi un des moyens les plus importants de la formation des adjectifs. Les suffixes les plus répandus et les plus productifs des adjectifs sont -ique, -al, -el, -aire, -iste, -ien, -able, -é. Un nombre considérable de suffixes communiquent aux dérivés l'idée d'une relation, de l'appartenance à ce qui est exprimé par la base formative. Tels sont: le suffixe -ique exprimant de préférence l'appartenance à quelque branche scientifique, à une école ou un genre artistique, à une doctrine: philosophique, géographique, historique, artistique, poétique, romantique; il exprime aussi l'appartenance à une couche sociale: aristocratique, bureaucratique. Un sens relationnel est rendu par des suffixes -al (-aie; -aux, -aies) et -el (-elle; -els, -elles): national, colonial, dialectal; ministériel, industriel; - aire: révolutionnaire, universitaire; -iste exprimant l'appartenance à une idéologie, une doctrine,à un parti politique: monarchiste, anarchiste, socialiste, réformiste: -ais (-aise), - ois (- oise) exprimant l'appartenance à un pays, à une localité: français, anglais, chinois, suédois,champenois; -ien (-ienne), -éen (-éenne), -ier (-ière), -in (-ine): prolétarien, académicien,

ukrainien; européen; financier; féminin: il en est de même pour le suffixe - ain (-aine): américain, républicain. Ces dérivés sont tirés de substantifs, l'idée de l'appartenance est également rendue par les suffixes.

La suffixation des adverbes. La dérivation des adverbes s'effectue à l'aide de l'unique suffixe -ment. Ce suffixe provient du latin mente, l'ablatif de mens - «esprit, façon de penser». Au cours de son développement historique la signification première de ce mot s'est effacée et il s'est converti en un suffixe ordinaire servant à former des adverbes: dès lors on a pu l'accoler à toutes sortes de bases formatives.

Dans le français moderne les adverbes avec ce suffixe sont en corrélation avec des adjectifs

dont ils sont formés: lentement < <- lente, heureusement < <- heureuse, mollement < <- molle, rapidement < <- rapide, modestement < <- modeste, prudemment < <- prudent.

Les formations avec ce suffixe peuvent exprimer: la manière (par exemple, tous les adverbes cités ci-dessus); le degré d'intensité de la manifestation d'un phénomène: complètement, entièrement, extrêmement, suffisamment; un rapport de temps, par ex.: prochainement; l'attitude du sujet parlant envers la réalité: probablement, certainement, évidemment.

La suffixation des verbes. La suffixation est moins typique des verbes que des substantifs et des adjectifs.

Le suffixe - is, qui est parmi les plus productifs, signifie le fait d'être ou de mettre dans l'état exprimé par la base formative: agoniser <- agonie, «être dans l'agonie»; légaliser < <- légal, «rendre légal»; égaliser < <- égal, «rendre égal». Les formations avec ce suffixe sont en corrélation avec des substantifs ou des adjectifs.

La formation des mots par préfixes. Généralités. Conformément à leur méthode historique F. Diez et A. Darmesteter font entrer la préfixation dans la composition vu que les préfixes français remontent pour la plupart à des mots latins. Plus tard les linguistes se sont affranchis de cette conception purement étymologique. Kr. Nyrop considère la préfixation comme un procédé de formation tout particulier; A. Dauzaf et E. Pichorf ont à juste titre introduit la préfixation dans la dérivation affixale à l'égal de la suffixation. Cette dernière conception a prévalu. En effet, les préfixes se rapprochent à bien des égards des suffixes. Tout comme ces derniers les préfixes sont caractérisés par un sens plus général que celui des bases formatives, ce qui leur permet de fonctionner en qualité d'éléments constants d'un modèle de formation (cf.: en- (em-) + base formative verbale: en-traîn(er), en-lev(er), em-port(er), s'en-vol(er). À l'encontre des bases formatives les préfixes et les suffixes ne servent jamais de base de formation. On ne saurait créer de mots nouveaux à partir d'un préfixe ou d'un suffixe; les combinaisons «base formative + suffixe» et «préfixe + base formative» sont normales,

alors que la combinaison «préfixe + suffixe» est impossible. Ce dernier indice est décisif dans la distinction entre un affixe et une base formative.

La dérivation parasynthétique. Par la dérivation parasynthétique on comprend la formation de mots nouveaux par l'adjonction simultanée à la base formative d'un suffixe et d'un préfixe: appontement < <-pont - «пристань на сваях», empiècement <<- pièce «вставка на платье», souterrain < <- terre; encolure < <- col, encorné < <corne.

Ce procédé paraît être productif dans la formation des adjectifs tels que biailé, triatomicque, extra-cellulaire, transcontinental, polycylindrique qui sont en corrélation avec des substantifs puisqu'ils se laissent analyser comme «qui a deux ailes», «formé de trois atomes», «qui traverse un continent», «contenant plusieurs cylindres» et non pas comme «deux fois ailé», «trois fois atomique», etc.

Ajoutons quelques créations récentes: transsonique, monoparental, pluridisciplinaire, multiculturel, antidépresseur < dépress /ion/.

La dérivation régressive. Ce procédé, appelé aussi «dérivation sans suffixe» ou «dérivation avec le suffixe zéro», consiste en la formation de mots par le retrachement de certains suffixes. Ainsi on a formé démocrate, aristocrate, autonome de démocratie, aristocratie, autonomie en rejetant le suffixe -ie. Ceci est vrai dans la perspective diachronique, alors que l'analyse synchronique peut offrir un tableau différent. En effet, certains mots qui sont historiquement créés par dérivation régressive seront interprétés dans la synchronie comme des bases de formations suffixales. Tel est le cas de autonome qui a été réellement créé de autonomie.

L'approche synchronique, qui fait abstraction de l'étymologie, nous autorise à voir dans autonomie - «caractère de ce qui est autonome» un dérivé de autonome puisqu'il est motivé par ce dernier conformément à un modèle de formation suffixal typique (cf.: folie < <fou (fol), jalousie < <jaloux). Quant à aristocrate et démocrate leur interprétation dans la synchronie coïncidera avec leur création réelle du fait que ce sont précisément ces formations qui sont motivées par aristocratie et démocratie et non inversement (ainsi un démocrate est un partisan de la démocratie). Ceci correspond aux rapports dérivationnels typiques dans le système actuel de formation: dans une opposition formative le substantif désignant l'homme d'après quelque caractéristique est nettement conçu comme une formation dérivée (cf.: chirurgien <-chirurgie, dentistes <- dent, hôtelier <- hôtel et aussi les formations récentes propédeute de propédeutique, psycholinguiste de psycholinguistique).

Il est à noter qu'on range souvent dans la dérivation régressive les substantifs tirés de verbes et coïncidant avec les radicaux de ces derniers: cri < <- crier, vol < <- voler, appel < <-appeler. Cette interprétation erronée est fondée sur l'opinion répandue, surtout parmi les linguistes français, que le -er final des verbes à l'infinitif est un suffixe, alors qu'il n'est rien autre qu'une désinence verbale.

Notons que la dérivation régressive est peu productive en franç a is moderne.

La dérivation impropre. Kr. Nyrop définit la dérivation impropre comme «le procédé par lequel on tire d'un mot existant un autre mot en lui attribuant simplement une fonction nouvelle». En effet, par ce procédé on crée un nouveau mot à partir d'une des formes d'un mot ancien en la faisant passer dans une autre catégorie grammaticale ou lexico-grammaticale. Tels sont le bien, le souper, un radio, tirés de bien, souper, radio. Ces mots nouvellement créés qui se rangent généralement dans une autre partie du discours représentent des homonymes par rapport aux mots générateurs.

La dérivation impropre est fort productive en français moderne. Certains linguistes dont Ch.

Bally considèrent ce procédé de formation comme un des plus féconds. On forme facilement des

mots nouveaux qui reçoivent les caractéristiques d'une autre partie du discours.

La composition. Ce procédé de formation, quoique moins productif que la dérivation affixale occupe une place importante dans le système formatif du français d'aujourd'hui.

La composition est interprétée de façon différente en linguistique.

Selon une conception très répandue un mot composé en français n'est pas seulement celui qui est formé par l'adjonction de bases différentes comme, par exemple, en russe «пapoxoд, caмолёт», mais n'importe quelle expression qui présente un groupement constant et usuel exprimant une notion, un seul concept. C'est pourquoi les locutions telles que chemin de fer, boîte aux lettres, pomme de terre, etc., sont traitées comme de mots composés.

Le télescopage. Par ce procédé on forme des mots issus de la fusion de deux mots exprimant des notions contiguës [23, p. 245-248]. Ainsi, sur le modèle de motel > mo[tor (car)] + [hô]tel - formation anglo-américaine - on a créé en français aquatel - «hôtel flottant qui se déplace sur l'eau» de aqua[tique] et [hô]tel. Ces formations sont très en vogue à l'heure actuelle.

Citons, entre autres, cybernation de cybern [étique] et [autom] ation, télésiège de télé[férique] et siège, altiport - «petit aérodrome qui dessert une station de montagne» de alti[tude] et port, diathèque de dia [positive] et -thèque, eurovision de euro [péen] et [télé] vision, franglais de fran[çais] et [an] glais, pantacourt de panta[lon] et court, restauroute de restau [rant] et route, universiade - «compétition sportive internationale entre équipes universitaires» de univers[ité] et [olymp]iade, vertiport de verti[cal] et [air]port - «terrain destiné à l'atterrissage et au décollage des hélicoptères et des avions à décollage court », futurible de futur et [poss]ible, synonyme de futurologue.

Ce procédé économique et baroque à la fois est utilisé, d'une part, dans la publicité et dans certaines terminologies, et de l'autre, dans le langage parlé familier où il sert à fabriquer des mots plaisants comme applaudimètre de applaudi[ssements] et mètre, copocléphile de co[lleclionneur], de po[rte]-clé et phile, gastronomade de gastro[nome] et nomade.

L'abréviation. Le français parlé qui de tout temps a répugné aux mots trop longs continue à les abréger, surtout lorsque l'aspect en révèle l'origine savante. Cette tendance à l'abréviation s'est considérablement accrue depuis la fin du XIXe.

Le redoublement et la déformation des mots. Tout comme l'abréviation le redoublement et la déformation mènent avant tout à l'apparition de variantes de mots déjà existants et non point à la création de nouvelles unités lexicales. Les unités formées par redoublement (l'élément redoublé peut être une syllabe et même un son) reçoivent généralement des nuances mélioratives et familières. Tels sont, entre autres, fifils pour «fils», pépère ou pépé pour «grand-père», mémère ou mémé - «grand-mère», tata, tati(e) - «tante», tonton - «oncle», nounou - «nourrice»; pour «fille» on dira fifille qui peut pourtant prendre aussi une nuance ironique (la fifille à papa).

L'onomatopée. Par l'onomatopée, signifiant proprement «formation de mots», on appelle

à présent la création de mots qui par leur aspect phonique sont des imitations plus ou moins proches, toujours conventionnelles, des cris d'animaux ou des bruits différents, par exemple: cricri, crincrin, coucou, miaou, coquerico, ronron, glouglou, froufrou.

Ce procédé de formation offre une particularité par le fait qu'il s'appuie sur une motivation naturelle ou phonique qui s'oppose à la motivation intralinguistique caractéristique de tous les autres procédés de formation.

L'onomatopée est d'une productivité restreinte, ce qui s'explique en particulier par le caractère relativement réduit des sons perceptibles par l'oreille humaine. Signalons pourtant les créations récentes: bang [bâg] - «bruit produit par un avion supersonique», glop [glop] - «bruit ressemblant à un coeur qui bat», yé-yé - formé par imitation du refrain d'une chanson américaine (de «yeah... yeah», altération de «yes»), blabla-(bla) employé familièrement pour «bavardage, verbiage sans intérêt», boum - «bruit sonore de ce qui tombe ou explose, baraboum! imitant un bruit de chute, bim! et bing! [bin] qui évoquent un coup.

LA FORMATION DES LOCUTIONS PHRASÉOLOGIQUES

Notions préalables. Les locutions phraséologiques sont des unités lexicales qui par leur fonctionnement se rapprochent souvent des mots ce qui permet d'envisager leur création à côté de la formation des mots.

Le premier examen approfondi de la phraséologie française a été entrepris par le linguiste suisse Charles Bally. A. Sechehaye, J. Marouzeau soulèvent aussi certaines questions ayant trait à la phraséologie française.

Les principes de classification. Tout comme le mot la locution phraséologique est un phénomène excessivement complexe qui se prête à une étude multilatérale. De là les difficultés qui se présentent lorsqu'on aborde la classification des locutions phraséologiques qui pourraient être groupées à partir de principes divers reflétant leurs nombreuses caractéristiques. Ainsi d'après le degré de la motivation on distinguerait les locutions immotivées (n 'avoir pas froid aux yeux - «avoir de l'énergie, du courage»), sémantiquement motivés (rire du bout des lèvres - «sans en avoir envie») et les locutions à sens littéral (livrer une bataille, se rompre le cou).

Conformément à leurs fonctions communicatives on pourrait dégager les locutions à valeur intellectuelle (salle à manger, le bon sens, au bout du compte), à valeur logico-émotionnelle (droit comme une faucille - «tordu», ses cheveux frisent comme des chandelles - «elle (il) a des cheveux plats»), à valeur affective (Flûte alors! - qui marque le dépit). Le fonctionnement syntaxique distinct des locutions phraséologiques permet de les qualifier d'équivalents de mots (pomme de terre, tout de suite, sans cesse), de groupements de mots (courir un danger, embarras de richesse), d'équivalents de phrases (c'est une autre paire de manches; qui dort dîne; qui trop embrasse mal étreint [prov.]).

Les locutions phraséologiques pourraient être tout aussi bien classées à partir d'autres principes dont la structure grammaticale ou l'appartenance à un style fonctionnel. Toutefois le principe sémantique, qui est mis en vedette par V.V.Vinogradov, paraît être un des plus fructueux. Il permet de répartir les locutions phraséologiques en plusieurs groupes qui se retrouvent dans des langues différentes. En effet, les locutions phraséologiques se laissent assez nettement répartir en quelques types selon le degré de cohésion sémantique de leurs composants.

STRUCTURATION SÉMANTIQUE ET FORMELLE DU VOCABULAIRE DU

FRANÇAIS MODERNE

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