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Les recettes les plus importantes




Le système français de sécurité sociale est financé en grande partie par les cotisations assises sur la rémunération des salariés ou le chiffre d'affaires des professions non salariées. Les nouvelles politiques de financement ont cherché à élargir cette assiette en prenant en compte l'ensemble des revenus des ménages tandis que les politiques en faveur de l'emploi conduisaient à alléger le poids des cotisations sur les bas salaires.

Les recettes des régimes de sécurité sociale peuvent se répartir selon les grandes catégories suivantes en 1999:

· Les " cotisations effectives " (57 % des recettes totales) représentent les cotisations versées par les assurés et les employeurs aux organismes de Sécurité sociale.

· Les " cotisations fictives " (8,3 % des recettes) correspondent dans les régimes employeurs (SNCF, RATP, EDF,…) au financement par l'employeur du régime qu'il gère. En effet, l'employeur est tenu d'assurer l'équilibre du régime.

· Les " contributions publiques " (3% des recettes) représentent les versements directs de l'Etat:

· subventions d'équilibre à certains régimes spéciaux,

· contributions mises à sa charge par la réglementation,

· remboursement de prestations ou d'allocations versées par les régimes pour son compte.

Les " impôts et taxes affectés " (18,8 % des recettes) intègrent les divers prélèvements de nature fiscale, contributions et taxes affectées au financement de la sécurité sociale. Les plus importantes sont:

· la contribution sociale généralisée (CSG), assise sur l'ensemble des revenus des ménages, et qui concourt au financement de l'assurance maladie, des prestations familiales et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV),

· la contribution sociale de solidarité des sociétés (CSSS).

En revanche, ce poste n'intègre pas la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), affectée à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES). Cette caisse n'est pas considérée comme un organisme de sécurité sociale. C'est un établissement financier.

LE RECOUVREMENT

Les cotisations des salariés sont précomptées et payées directement par les entreprises. Les employeurs et les travailleurs indépendants doivent accomplir les formalités administratives (déclaration) et le règlement des cotisations.

L'organisme chargé du recouvrement dispose des prérogatives de puissance publique et peut mettre en œuvre des procédures de recouvrement forcé. Parallèlement, les droits et les garanties de l'entreprise débitrice, usager du service public, sont assurés par:

· la personnalisation des relations entre les organismes et les cotisants, les droits et obligations de ces derniers étant précisés dans une charte du cotisant

· une sécurité juridique accrue et un renforcement de la procédure contradictoire,

· l'amélioration du service rendu et une démarche active de simplification de procédures.

 

2001 Hachette Multimédia

 

VIII. Femmes et féminisme

 

Le féminisme est une notion à la fois trop générale et trop complexe pour qu'on puisse évaluer son contenu, ses objectifs, ses argumentations, son importance historique, avant d'avoir posé la question du terme lui-même.

Apparu au XIXe siècle et attribué, à tort semble-t-il, à la pensée utopique de Fourier, on le trouve sous la plume d'Alexandre Dumas fils en 1872, puis dans la plupart des textes et thèmes féministes après 1890 en France et à l'étranger. En fait, Dumas emprunte le mot au langage médical, qui fabrique ce néologisme, autour de 1870, à des fins nosographiques pour qualifier un arrêt de développement et un défaut de virilité chez des sujets masculins. On notera donc, non sans stupéfaction, que le vocabulaire politique s'empare du mot «féminisme» pour caractériser les femmes qui, revendiquant l'égalité avec les hommes, semblent vouloir leur ressembler, tandis que le vocabulaire médical a usé de ce terme pendant quelques décennies pour caractériser des hommes d'apparence féminine. Dans cette question de mots et de langage, le féminisme sert toujours à désigner l'autre, l'autre sexe, qu'il soit homme ou femme, comme étant susceptible d'abolir la différence sexuelle. Dans les deux registres, médical et politique, le féminisme est un cas limite où la différence sexuelle est menacée.

1. Les usages historiques d'un terme

L'histoire a donné, de préférence, un sens politique au mot «féminisme». Ce sens s'est imposé par la double référence à Fourier et à Dumas fils, à partir des deux courants théoriques et politiques du XIXe siècle, la pensée utopique, socialiste et marxiste, et la pensée républicaine et démocratique. L'apparition du néologisme «féminisme» coïncide avec l'avènement de la IIIe République et l'on imagine comment l'apparition de l'individu citoyen peut impliquer l'identité, voire l'égalité, de l'homme et de la femme, ce qui évoque une apparente neutralisation de la différence sexuelle. Cependant, c'est à l'autre tradition que le féminisme d'aujourd'hui s'est référé: reprenant lui aussi à son compte une dénomination fabriquée par un observateur extérieur - ici les médias, après la «commémoration», en 1970, de celle qui est plus inconnue que le soldat inconnu lui-même, sa femme -, il s'est appelé M.L.F., Mouvement de libération des femmes. Comme il y eut un mouvement ouvrier, il y a un mouvement des femmes, c'est-à-dire un mouvement social et politique, expression d'un groupe social porteur d'une demande de changement général et global de société. Ces deux traditions sont réunies dans la définition du féminisme qu'a proposée Léon Abensour au début du XXe siècle: «cas d'aspiration collective vers l'égalité» (Histoire générale du féminisme, 1921).

1970 ne fut pas, comme on le crut alors, l'année zéro du féminisme. Il y a une histoire du féminisme, que les spécialistes ont la plupart du temps négligée et que les femmes n'ont pas su transmettre dans la mémoire des générations. Cette histoire, comme phénomène collectif, se fait au XIXe siècle. Déjà, pendant la Révolution française, les femmes expriment çà et là une volonté collective où la prise de conscience de leurs problèmes spécifiques va de pair avec leur désir d'appartenir, comme les hommes, à la nouvelle société politique. Des cahiers de doléances, des pétitions, des clubs politiques et la célèbre Déclaration des droits de la femme d'Olympe de Gouges sont les premiers éléments de cette pratique militante. Mais c'est à partir de 1830, avec l'émergence des mouvements utopistes, en particulier saint-simoniens et fouriéristes, que des femmes se présentent clairement comme constituant un groupe de sujets politiques, en dénonçant leur «asservissement séculaire» et en réclamant un «affranchissement» et une «émancipation» propres à leur donner une place égale aux hommes dans la société. Pendant la brève révolution de 1848, on les retrouve encore, aussi bien aux côtés de leurs camarades révolutionnaires, socialistes et républicains, que dans une pratique autonome, dans un club de femmes, dans un quotidien féministe, La Voix des femmes. Or ces trois moments de bouleversement politique - 1789, 1830, 1848 - dessinent, chacun à son tour, une même figure: celle d'une pensée révolutionnaire rendant possible l'expression de l'exigence féministe en même temps que le refus de ses conséquences réelles. En effet, à chaque fois, on ferme les clubs de femmes, on discrédite leurs actions politiques, on caricature leurs demandes et on réinstaure l'inégalité entre les sexes. Ainsi peut-on proclamer en 1848 l'instauration d'un suffrage dit universel dont cependant les femmes sont exclues. Cette figure de la tension entre les hommes de gauche, libéraux ou révolutionnaires, et les féministes, radicales ou modérées, se retrouve ensuite continûment. Cette tension prend la forme d'une contradiction avec la naissance, sous le second Empire, du mouvement ouvrier français, très proudhonien: contradiction qui fait des femmes de la Commune des militantes socialistes plus que des féministes; contradiction que le marxisme cherche à résoudre en établissant une hiérarchie des priorités (d'abord la lutte des classes, ensuite l'affranchissement des femmes); contradiction qui éclate autour des années 1900 en partageant officiellement le féminisme entre un féminisme socialiste et un féminisme bourgeois. Or cette distinction, si elle est pertinente aux yeux des politiciens et idéologues qui tiennent à garder la maîtrise d'un féminisme alors très puissant et très multiforme, paraît très formelle au regard des discours et des pratiques de cet avant-guerre. La guerre de 1914-1918 balaie le féminisme comme le reste, bien qu'un féminisme pacifiste s'y maintienne constamment. L'entre-deux-guerres laisse place à nouveau à une activité féministe diverse qu'il serait simpliste de réduire au suffragisme.

De la même façon, le droit de vote accordé aux femmes en 1944, le succès de Simone de Beauvoir avec Le Deuxième Sexe en 1949, la création du Planning familial en 1956 ne sont que la face visible d'une évolution sociale qui s'est faite en dehors du militantisme féministe mais pas sans lui. L'histoire du féminisme comporte donc des temps forts et des temps discrets, et cette alternance est sans nul doute un fait historique remarquable. En tout cas, elle souligne le double aspect du féminisme, comme mouvement politique discontinu et comme mouvement social diffus, ce dernier, d'ailleurs, n'étant pas souvent pensé et vécu dans l'identification au féminisme. Par exemple, dans les années 1960, période qui précède la dernière manifestation historique du féminisme, les problèmes se trouvent posés en dehors d'une quelconque perspective politique. Les ouvrages consacrés alors aux femmes analysent leur évolution économique, professionnelle et familiale, c'est-à-dire une situation sociale appelée «condition». L'étude de cette condition féminine vise à permettre une meilleure «participation» des femmes à la vie sociale. Or le féminisme des années 1970 introduit là une rupture, tout en reprenant une tradition: par-delà l'analyse de la place des femmes dans le système de production et dans l'organisation traditionnelle du rapport entre la famille et le travail, il propose que cette condition soit représentée en termes d'«oppression» et d'«exploitation». Ainsi, on ne se contentera pas de rattraper un retard historique ni même d'insister sur la spécificité féminine face à une condition humaine générale. On refuse ce qui apparaît alors comme de l'«androcentrisme», en affichant délibérément la dénonciation d'une oppression. Cela conduit à décrire les mécanismes de celle-ci, à rechercher ses causes et à imaginer sa résolution possible. Dénoncer une oppression, c'est donc, logiquement, proposer une stratégie de «libération». Les termes d'oppression et de libération rendent à ceux de condition et de participation leur dimension politique: nos sociétés sont des sociétés patriarcales où le sexisme, à l'égal du racisme, marque en tous domaines la vie des femmes. En conséquence, l'égalité entre les sexes est l'utopie nécessaire du féminisme.

2. Unité et multiplicité des formes du féminisme

Le féminisme exprime son unité doctrinale autour d'un axe principal, la volonté d'égalité entre les sexes, formulée comme identité, ressemblance ou analogie, parfois même complémentarité. Ainsi, toute définition du féminisme est d'emblée restrictive, tant les formes particulières de ses manifestations sont équivoques: tendances et oppositions sont, comme ailleurs, le lot de ce courant de pensée et d'action. La dénomination elle-même fait difficulté: hier, on parlait d'affranchissement ou d'émancipation; aujourd'hui, on peut distinguer le féminisme du mouvement de libération des femmes (ou même du «mouvement des femmes»). Revendiquer l'une ou l'autre expression n'est pas indifférent; cela alimente même des querelles idéologiques. Néanmoins, tout le monde fut longtemps d'accord pour reconnaître la possibilité que coexistent ensemble des groupes et des tendances, car il était clair, pour finir, que l'adhésion d'une femme à cette représentation collective fût toujours intimement individuelle.

On pourrait rendre compte de l'unité et de la multiplicité du féminisme au moyen de quelques figures paradoxales propres à présenter ses différents aspects, sans les simplifier. Le premier paradoxe pose la question de l'identité. Qui est féministe? Qui est d'accord avec le féminisme? Il peut sembler évident de se dire féministe, car qui serait contre l'égalité des sexes à la fin du XXe siècle? Si c'est un homme qui parle, il peut tenir ces propos tout en étant absolument misogyne dans sa pratique domestique, professionnelle ou politique. Il distingue aussi soigneusement le féminisme des féministes, dont l'image n'est pas bonne. Cela explique qu'inversement il soit fréquent qu'une femme ne se dise pas féministe. «Je ne suis pas féministe, mais...», dit celle qui s'apprête à faire des déclarations précisément féministes. Le paradoxe est dans cette identification abusive ou refusée: au moment où se diffusent dans la société des pratiques d'autonomie et des demandes d'égalité, l'image caricaturale de la féministe hystérique et malheureuse en ménage perdure au profit de la méconnaissance de ce que fut le féminisme comme réalité collective socialement efficace.

Avant d'être une pratique collective, le féminisme fut, quitte à ce qu'on emploie le mot de façon anachronique, une attitude individuelle dont on trouve des traces anciennes dans les sociétés occidentales. Dès le XVe siècle, après Christine de Pisan, des femmes, et quelques hommes, écrivent pour «défendre» le sexe féminin et imaginer une égalité entre les sexes.

Si le féminisme devient, à partir du XIXe siècle, un mouvement social et politique, c'est parce que les conditions historiques le rendent possible: l'avènement de la démocratie, l'apparition du travail salarié et le déclin du christianisme sont, notamment, des facteurs propices à une redéfinition du rapport entre les sexes. Or cette double inscription historique, à la fois ancienne et contemporaine, explique peut-être le malaise théorique et pratique de chaque période féministe de l'ère contemporaine. L'alliance, nécessaire mais toujours conflictuelle, du féminisme avec le socialisme et le marxisme a compliqué la tâche de la pensée féministe, prise, de fait, dans un système contraignant de références. Ainsi, les concepts de lutte de sexes, de classe de femmes ou de rapports sociaux de sexes, directement importés du vocabulaire marxiste, soulignent cette difficulté: la lutte des classes est historiquement plus déterminée que la lutte des sexes; et, de manière générale, l'histoire du conflit entre les sexes, même si elle prend des formes spécifiques suivant les époques, souligne toujours quelque chose d'intemporel dans ce conflit. C'est peut-être ce subtil mélange d'histoire et d'anhistoricité qu'il faudrait analyser. Là encore, il y a paradoxe.

Dans la pratique, avec le féminisme des années 1970, on note une semblable tension. Né juste après 1968, le Mouvement de libération des femmes rencontra immédiatement la contradiction évoquée ci-dessus entre le féminisme et la gauche. Autour de quelques femmes d'horizons divers, se joignent d'abord des militantes de l'extrême gauche, maoïstes et spontanéistes. Puis les organisations trotskistes, les partis et les syndicats de gauche sont progressivement traversés par la «question des femmes». Dans cette situation difficile, on voit apparaître, d'un côté, des «groupes femmes» autonomes à l'intérieur puis à l'extérieur de ces institutions, de l'autre, une volonté de travailler «en direction des femmes», de manière à intégrer en le contrôlant l'essor du féminisme. Ainsi, de nombreuses femmes se trouvent prises dans un système de double appartenance politique faite simultanément d'adhésion et de tension. Celles qui abandonnent les institutions de gauche au profit du seul mouvement des femmes jouent sans facilité l'autonomie politique en affirmant, là encore, leur proximité et leur distance à l'égard de la gauche. Le M.L.F. lui-même, en refusant toute structuration hiérarchisante pour se dire «mouvement», a recherché un équilibre difficile: la «sororité», affichée comme concept politique, eut pour effet de diffuser le féminisme dans les diverses classes sociales; mais cette utopie eut ses revers et ses récupérations prévisibles: les inégalités ont perduré; l'identification collective engendra des confusions et des prises de pouvoir abusives. Un groupe, dénommé Psychanalyse et Politique, crut bon de s'approprier le sigle M.L.F., lequel justement voulait conjurer toute maîtrise. L'humour réel du féminisme fut, sur ce point, pris en défaut. L'équilibre entre le féminisme et la gauche et à l'intérieur du mouvement des femmes lui-même n'est pas seulement le produit d'une situation paradoxale; il se révèle proprement intenable.

3. Égalité et différence des sexes

L'inscription du féminisme dans l'histoire obéit ainsi à un mouvement de pendule: le féminisme est une action collective qui est sans mémoire des luttes et des batailles gagnées, croyant chaque fois à sa naissance première et à son originalité absolue, tandis qu'une étude historique souligne, dans ces manifestations renouvelées, de fortes analogies. Même volonté de mettre les femmes en position de sujets et non pas d'objets de discours; même critique de leur rôle conjugal et familial; mêmes demandes sociales et politiques d'égalité; démarches semblables d'autonomie dans la vie privée et publique; balancement identique entre le dedans et le dehors des institutions mixtes; choix commun de la bataille juridique, sur le mode légal ou illégal: tout d'abord, la demande du droit de suffrage, certes, mais aussi celle du divorce, de la recherche en paternité, de la libre disposition par la femme de son salaire; ensuite, la légalisation de l'avortement et de la contraception, la reconnaissance du viol comme crime, mais aussi l'égalité professionnelle et la représentativité politique.

C'est sur la toile de fond de ces analogies qu'on peut remarquer les différences avec les étapes antérieures. Différence d'abord dans le rapport à la loi: d'une part, les femmes sont entrées, même peu nombreuses, dans les diverses instances du pouvoir social et politique et les hommes ne sont plus les médiateurs obligés de leurs demandes; d'autre part, la Constitution française a inscrit en 1946, dans ses principes, l'égalité entre les sexes, principe formel peut-être, mais irréversible. Différence aussi dans l'analyse économique: d'une part, le critère de l'indépendance financière joue pour caractériser non seulement l'autonomie sociale de la «travailleuse», mais aussi l'autonomie familiale d'un individu salarié; d'autre part, le statut même du travail des femmes est pensé dans une globalité où le travail domestique n'est pas séparé du travail social, où la fonction de reproduction n'est pas dissociée du système de production.

Différence, enfin, dans la possibilité de parler du corps féminin: d'une part, la question du lien familial (divorce et reconnaissance de paternité) s'insère de façon plus large dans le problème de la libre disposition de son corps (contraception et condamnation du viol); d'autre part, le corps lui-même est représenté comme lieu de désirs susceptibles d'une libre expression, d'une libération.

Ainsi a-t-on fait de la vie privée un lieu politique et ce fut même un slogan que de dire «le privé est politique». Les réactions violentes suscitées par le féminisme tiennent peut-être à cela, à cette confusion difficile à éviter entre le politique et le public. La politisation de la vie privée a mis à mal la distinction entre le privé et le public sans que la frontière entre les deux apparût comme une question théorique. De même, la mise en lumière de la domination masculine et du système patriarcal a eu inéluctablement pour conséquence de produire une analyse unilatérale du pouvoir masculin. En effet, si les hommes se sont établis maîtres des femmes, ce n'est pas toujours sans le consentement de celles-ci. Or ce consentement, en retour, est un lieu propice à un pouvoir féminin qui fait partie de l'asservissement lui-même. Pouvoir du corps - celui de la séduction et celui de la maternité -, qui est aussi un pouvoir social. Le féminisme pouvait-il dénoncer l'oppression des femmes sans refuser d'analyser et de critiquer leur pouvoir propre?

Sans doute la réflexion théorique qui est née de la pratique militante et qui perdure au-delà de la réalité historique du mouvement des femmes a-t-elle eu pour effet, après de nombreuses études «sur» les femmes, qu'on en vienne à s'interroger sur la différence des sexes et sur leur rapport. Tout d'abord, on a pu distinguer, avec le concept d'égalité, ce qui relevait d'une identification des deux sexes l'un à l'autre et d'une volonté d'assimilation au monde masculin. Dans le même temps s'affirmait, en regard de cette neutralisation des deux sexes dans le «genre humain», une défense de la spécificité féminine comme support de contre-valeurs opposées à la rationalité oppressive du monde masculin. Il paraît difficile aujourd'hui de s'en tenir à cette représentation binaire où la différence sexuelle pourrait soit se dissoudre dans l'indifférenciation du neutre, soit produire deux systèmes de valeurs imperméables l'un à l'autre. L'étude actuelle de la différence des sexes, sur ses multiples registres, biologique, historique, social, symbolique, appelle plutôt à l'analyse d'un rapport, d'une relation où ni la valorisation unilatérale, ni la solution toute faite de la complémentarité n'ont de pertinence, mais où, en revanche, la question de la domination masculine et de la tension entre les pouvoirs n'est pas annulée. L'usage du concept de «genre» plutôt que de sexe qui prévaut dans les pays anglo-saxons tend à introduire dans cette analyse de la différence sexuelle l'idée que ce fait de nature - l'existence des deux sexes - traverse l'ensemble des champs du savoir et doit, comme tel, devenir une composante de tout travail théorique.

 

4. LES FEMMES CHRÉTIENNES À L’ÉPOQUE MÉDIÉVALE ET MODERNE

4.1. L’image d’Ève
Du Bas-Empire au XVIIIeme siècle, l’image d’Ève s’impose dans les mentalités. Ainsi au début du IIIesiècle, l’écrivain Tertullien, dans un traité intitulé la Toilette des femmes, rappelle à celles-ci la Genèse: «Tu enfantes dans les douleurs et les angoisses, femme; tu subis l’attirance de ton mari et il est ton maître. Et tu ignores qu’Ève c’est toi? Elle vit encore en ce monde, la sentence de Dieu contre ton sexe. Vis donc, il le faut, en accusée. C’est toi la part du Diable. C’est toi qui as brisé le sceau de l’Arbre; c’est toi qui, la première, as déserté la loi divine…». Des propos semblables sont inlassablement répétés sous l’Ancien Régime pour rappeler à la femme qu’elle est la cause du péché originel et qu’elle doit être soumise à l’autorité masculine, l’homme ayant été créé le premier par Dieu et, de surcroît, à son image; c’est à partir du XIesiècle que les clercs condensent et trahissent le texte biblique en faisant surgir la femme directement du flanc d’Adam.

Dans un tel système de pensée, seules les vierges, les veuves et les saintes sont véritablement valorisées et cette triade de modèles féminins est largement diffusée par la pastorale des frères dominicains et franciscains. Puis, à partir des XIIe-XIIIesiècles —avec l’émergence de la figure de Madeleine qui a su racheter son passé de pécheresse—, la bonne épouse et mère —celle qui respecte les interdits sexuels imposés par l’Église, qui procrée dans le mariage, qui accouche dans la douleur, qui allaite et éduque consciencieusement ses enfants— assure son salut.


4.2. Se taire dans les assemblées
La femme chrétienne demeure exclue du champ du politique et tous les auteurs médiévaux et modernes défendent cette pensée de saint Paul: «Que les femmes se taisent dans les assemblées». La loi salique, excluant les femmes de la succession au trône, est l’expression la plus remarquable de son rejet et son application dans le royaume de France, la preuve du refus de son immixtion dans les affaires politiques. En 1586 encore, le juriste Jean Bodin s’exprime sur le statut de la femme dans ses Six Livres de la République: «Quant à l’ordre et à la condition des femmes, je ne veux pas m’en mêler. Je pense simplement qu’elles doivent être tenues à l’écart de toute magistrature, poste de commandement, tribunal, assemblées publiques et conseils, de sorte qu’elles puissent accorder toute leur attention à leurs tâches féminines et domestiques.»

D’ailleurs, avant les XVIIeme -XVIIIeme siècles, rares sont les femmes qui prennent effectivement la parole ou la plume: Hildegard von Bingen, Marie de France, Christine de Pisan ou Louise Labé demeurent des exceptions; femmes de lettres, elles défendent néanmoins bien souvent les valeurs culturelles médiévales, lesquelles sont essentiellement masculines.

Les seules femmes à véritablement exercer un (certain) pouvoir sous l’Ancien Régime sont les reines et les régentes, même si le pouvoir d’une reine relève plus de l’influence que de l’intervention directe, et les périodes de régence sont souvent propices aux révoltes nobiliaires. Les veuves, quant à elles, peuvent gérer l’entreprise du mari décédé et sont également valorisées dans le discours chrétien, car elles entretiennent la mémoire de leur défunt, en adressant des prières pour son âme, mais surtout parce qu’elles sont revenues à l’état de chasteté loué par l’Église. Toutefois, dans le même temps —et on retrouve le regard ambigu que les hommes portent sur les femmes—, la vieille femme qui prend facilement la parole, qui affirme une certaine autorité, qui détien(drai)t des secrets «de bonnes femmes», attire la défiance; c’est l’image populaire de la jeteuse de sorts, de la magicienne, de la sorcière; c’est également la figure littéraire de la Célestine —célèbre entremetteuse de la pièce de l’Espagnol Fernando de Rojas, la Tragi-comédie de Calixte et de Mélibée (1499)— qui s’impose rapidement dans l’Europe du XVIesiècle.
Pourtant, même si les cas restent rares, certaines femmes assistent aux assemblées de village, voire aux assemblées provinciales (uniquement pour les abbesses et les détentrices de fiefs) et peuvent même élire les députés des états généraux. On sait, par exemple, à travers la correspondance qu’elle entretient avec sa fille, que Mmede Sévigné a assisté à une session des États de Bretagne en août 1671 à Vitré, non loin d’une propriété héritée de son mari.

4.3. Une bonne épouse et une bonne mère
Privée de droits, la femme doit donc rester dans la maison et se préparer dès l’enfance à assurer ses fonctions domestiques. C’est au sein du foyer qu’elle a un rôle à tenir, en premier lieu celui de servir son mari, d’être une épouse modèle. La majorité des conseils adressés par les pédagogues médiévaux aux jeunes filles ou aux femmes a pour objectif de leur apprendre à se bien comporter dans leur ménage et à rester soumises à leur mari. Ainsi, l’Église propose à la femme mariée le modèle scripturaire de Sara (Livre de Tobie,10), bonne épouse, qui aime son mari et honore ses beaux-parents; discours idéologique qui vise à préserver l’ordre social cimenté par les liens sacramentels et vassaliques.

La femme doit aussi être une bonne mère, enseigner la foi chrétienne à ses enfants et leur montrer un exemple de vie soumise à l’homme. Car, même si dans les riches milieux urbains la mise en nourrice est une pratique courante, la première éducation revient bien souvent à la mère: c’est elle qui doit instruire ses enfants dans la foi chrétienne, ce à quoi veille l’Église. Aussi, afin d’éviter paganisme, hérésies et sorcellerie à venir chez la femme dont la société se méfie toujours, les jeunes filles reçoivent-elles un rudiment d’éducation dispensée par l’Église.

Cette définition de la femme par ses devoirs d’épouse et de mère a la vie longue. En 1762, Jean-Jacques Rousseau écrit encore, dans l’Émile ou De l’éducation (LivreV), que «plaire aux hommes, leur être utiles, se faire aimer et honorer d’eux, les élever jeunes, les soigner grands, les conseiller, les consoler, leur rendre la vie agréable et douce, voilà les devoirs des femmes dans tous les temps, et ce qu’on doit leur apprendre dès l’enfance».

Épouses et mères modèles, les femmes doivent également savoir gérer la maison, parfois le domaine, et traiter une affaire avec un homme de loi; au milieu du XVeme siècle, Margaret Paston, en raison des fréquentes absences de son mari —homme de loi souvent à Londres—, ne se contente pas d’élever ses quatre fils et ses deux filles, mais se charge également de la gestion du domaine. De fait, toutes les femmes du peuple travaillent aussi hors du foyer, mais cette activité annexe est plutôt considérée comme une assistance à l’époux; il en est ainsi des femmes de paysans, d’artisans et de petits commerçants. Néanmoins, lavandières et servantes (pour ne citer qu’elles) ont une activité extérieure à leur foyer qui est socialement reconnue; ce qui n’est pas le cas de la prostituée.

4.4. Humilité et maintien du corps
Dans les traités de pédagogie de l’Ancien Régime, un second genre de conseils adressés à la femme concerne la manière de se vêtir et de se comporter en société. À partir de la fin du Moyen Âge, outre les principes que la pudeur commence à imposer, les moralistes condamnent les excès somptuaires et vestimentaires, dénonçant en particulier les cornes ou autres hautes coiffures et les traînes. Si le fard est interdit durant la période médiévale —car on ne doit pas chercher à modifier le visage (miroir de l’âme) donné par Dieu—, il est plutôt conseillé à l’époque moderne et apparaît comme un signe de distinction sociale. Il faut attendre la fin du XVIIIeme siècle pour que l’on revienne à une conception «médiévale» dans ce domaine, nouvelle esthétique féminine qui annonce le romantisme: la femme doit être plus proche de la nature et il n’est pas nécessaire que les cosmétiques cachent le corps.
La femme doit également, en particulier au Moyen Âge, savoir dompter son corps: ne jamais regarder un homme dans les yeux, baisser la tête, ne pas la remuer, avoir un usage modéré de la parole et rester humble dans tous ses gestes.

 

5. LES FEMMES À LA FIN DU XXeme SIÈCLE

Depuis la deuxième moitié du XXème siècle, les conditions de vie de la femme se sont grandement améliorées: un travail ménager facilité par l’introduction des appareils électroménagers, lorsqu’il n’est pas partagé avec le conjoint; des formes de travail à temps partiel ou des congés de maternité qui permettent de concilier vies professionnelle et familiale; une maternité maîtrisée avec le développement de moyens contraceptifs sûrs (la pilule contraceptive) et le droit à l’avortement (loi du 17janvier 1975 pour la France); un partage de l’autorité parentale (loi française du 4juin 1970); des procédures de divorce simplifiées (loi du 11juillet 1975).

Avec les années soixante, les revendications féministes se font beaucoup plus puissantes en Europe, grâce à la paix fermement établie, à la prospérité économique et aux découvertes technologiques. En France, le Mouvement de libération des femmes (MLF) est créé en 1970. Puis l’année 1975 est déclarée «année de la femme», et la date du 8mars «journée internationale de la Femme» par l’Organisation des Nations unies (ONU). Aujourd’hui, les combats pour l’émancipation des femmes se poursuivent, suscitant toujours dans l’opinion publique et dans la classe politique (encore profondément masculine) de vifs débats, comme la féminisation de certains mots, ou la parité totale entre hommes et femmes débattue à l’Assemblée nationale en France, en décembre 1998.

 

LES FEMMES CONTEMPORAINES

À la fin de l’époque moderne, en grande partie à cause de la déchristianisation de la société, de lentes évolutions modifient la vie quotidienne comme l’image de la femme; après avoir été confiné dans une simple étude du regard que les hommes ont porté sur les femmes, l’historien peut désormais dresser une histoire concrète de la vie des femmes.

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