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IX. La Violence des jeunes




QU'EST-CE QU'UN COMPORTEMENT VIOLENT?

Il s'agit de gestes ou de paroles qui blessent une personne sur le plan physique ou psychologique.
Voici quelques exemples: le taxage, le harcèlement, l'humiliation, un coup de poing, une parole humiliante ou une négligence importante d'un parent envers son jeune. Un acte de violence peut aussi être commis à l'égard d'un bien matériel (vandalisme) ou envers un animal (cruauté). Il peut être posé de manière intentionnelle ou par accident. La violence n'est jamais acceptable.

Il faut aussi faire une distinction entre la violence et la taquinerie. Nous pouvons rire de quelqu'un dans la mesure où la personne concernée a du plaisir elle aussi. La personne, qui ne trouve pas ça drôle et qui se sent blessée, a le droit d'être respectée.

Le taxage est une forme d' intimidation dans laquelle une personne ou un groupe de personnes forcent un individu à leur remettre de l'argent ou des objets qui lui appartiennent. Il s'agit d'un vol, et il est souvent accompagné de menaces. Un jeune taxé peut aussi se faire obliger à commettre différents délits. Le taxage, c'est de la violence.

Les faits

Des statistiques réalisées entre décembre 1996 et mars 1997 donnent la mesure du phénomène. En trois mois, on dénombre plus de 80.000 incidents dans les 5.800 établissements concernés par l'enquête. Des violences physiques sont recensées dans 60% des collèges. Sur 100 violences en lycée général, on constate que:

27 % correspondent à des violences verbales
23 % correspondent à des vols ou tentatives de vol
11 % correspondent à des tags
10 % correspondent à des violences physiques

Les chiffres ne suffisent pas à traduire la généralisation d'un malaise qui touche la grande majorité des enseignants. Les classes sont de moins en moins contrôlables, et si les incidents sont contenus, il n'en reste pas moins qu'enseigner dans ces conditions est devenu particulièrement pénible.

Les enseignants ont peur de leurs élèves (quand ce n'est pas des parents), les parents ont peur pour leurs enfants. Manifestations contre la violence et dépression des enseignants sont de plus en plus fréquentes. Quelques équipes d'enseignants particulièrement soudées resistent. Mais jusqu'à quand?

Les lieux symboliques de l'instruction des futurs citoyens ne sont plus protégés et le respect dû aux maîtres n'existe plus. Comment en sommes-nous arrivés là?

Les causes

Elles sont bien entendu multiples. Nous en proposons quelques unes qui ont fait croitre le phénomène:

Une société en quête de repères

Beaucoup d'observateurs considèrent les évènements de Mai 68 comme le déclencheur d'une perte de repères dans la société. C'est un peu schématique car cette évolution n'est pas une exception française.

"Il est interdit d'interdire" est un slogan qui a certainement contribué à dissoudre la notion même d'autorité jusque dans les écoles. Cependant, les espoirs mis dans l'évolution technique de nos sociétés peuvent aussi expliquer un intérêt croissant des personnes pour le bien-être matériel, mettant de côté la quête du bien-être spirituel. D'où le peu d'intérêt que peuvent représenter les lieux d'acquisition du savoir pour des jeunes qui mettent leur espoir davantage dans le fait d'avoir que dans celui d'être.

Le peu de temps passé à comprendre ce qui fait l'homme explique le manque de repères chez beaucoup de nos concitoyens. La multiplication des ouvrages sur l'éducation et leur diffusion très large montrent que de nombreux parents ne savent pas ce qu'il faut faire pour que leurs enfants soient heureux.

La France possède le triste record de suicide des jeunes. Le mal-être est croissant chez ces jeunes qui réclament des valeurs et des repères à une société peu capable de lui en donner, car trop relativiste pour se croire autorisée à les transmettre. A chaque jeune de se construire ses propres valeurs, dit-on.

Tout mal-être produit une forme de violence. Violence contre soi-même et c'est le suicide, violence contre les autres et c'est la délinquance. Soyons donc rassurés de ces violences externes: c'est un moindre mal. Mais c'est aussi un appel, comme le signale Jean-Marie Petitclerc, éducateur spécialisé à Argenteuil (Le Figaro, 27/01/2000): "On a tendance à dire que les jeunes manquent de repères, de valeurs. Mais quels repères, quelles valeurs veut-on leur donner? Il existe un silence total sur tout ce qui peut donner sens à la vie et rappeler qu'on ne doit pas agresser ou tuer pour des biens de consommation".

Reconstruire ces repères est un long travail. Mais, en sommes-nous vraiment capable dans la mesure où il nous est devenu difficile de croire qu'il puisse y avoir une vérité absolue sur l'homme, que l'on puisse s'entendre sur ce qui est bien et sur ce qui est mal?

Une justice des mineurs inadaptée

Les délinquants sont de plus en plus jeunes. Des enfants peuvent montrer des comportements très violents dès l'âge de 10 ans. Face à ces pré-adolescents, la justice n'a aucun recours.

Cela est si vrai que les altercations qui se terminent quelques fois par la mort d'un jeune sont le plus souvent le fait de jeunes délinquants multi-récidvistes. Il suffit de lire le récit des actions du tueur de Nicolas Bourgat dans le livre qu'a écrit son père à ce sujet: il est étonnant de voir comment un mineur peut passer entre les filets de la justice et agir impunément sans le moindre risque de perdre sa liberté, pendant plusieurs années, tout en étant identifié par la police comme dangereux.

Selon l'ordonnance du 2 février 1945, qui régit la justice des mineurs, un mineur de moins de seize ans ne peut pas, sauf s'il a commis un crime, être placé en détention provisoire. En théorie, il peut être condamné à une peine de prison mais en pratique, dans les cas les plus graves, il est placé dans une structure habilitée et ouverte. Des structures qui sont de véritables passoires (les fugues sont simplement signalées à la police mais rien n'est fait pour les empêcher).

Les trafiquants de drogue qui ont bien compris cela utilisent les mineurs pour faire leurs courses. Face à une justice qui n'a aucun moyen de freiner le multi-récidivisme de certains mineurs, des associations se sont créées pour obtenir une modification de l'ordonnance de 1945. Leur combat ne fait que commencer.

La Démagogie

Le démagogue s'efforce de flatter la multitude pour gagner et exploiter sa faveur. Il est peu probable qu'il applique à sa vie ce qu'il clame haut et fort. Le plus souvent, son bon sens le lui interdira.

La Démagogie, cherchant à plaire à chacun, met en avant les libertés et droits individuels, ce qui, poussé à l'excès, produit un grand nombre d'injustices et prive les citoyens des droits fondamentaux: droit à la vie, droit à la sécurité, droit au travail.

La Démagogie est cause d'individualisme et, en raison de la recherche d'intérêts personnels qu'elle promeut, de dé-civilisation et de violences. Comme le dit si bien Alfred Croiset: " la démocratie n'a pas d'ennemie plus redoutable que la démagogie ".

La Démagogie a ouvert les portes de l'Ecole et a autorisé l'entrée de la drogue. Elle a même osé dire que la drogue était moins nocive que la cigarette. Les jeunes qui ont réussi à s'en sortir crient aujourd'hui leur dégout de ne pas avoir été prévenu; les autres, ceux qui n'ont pas réussi, continuent à s'autodétruire à petite dose.

La Démagogie a déclaré que l'Elève devait surtout être heureux en classe et que la transmission de connaissances n'était qu'une des missions secondaires de l'Ecole. C'est ce jour là que le Maître a perdu ce qui faisait son autorité. Les jeunes qui veulent apprendre crient aujourd'hui leur besoin d'être encadrés, dirigés, véritablement enseignés: ils veulent des maîtres qui aient les moyens de se faire respecter.

La Démagogie a son Credo: l'égalité de tous ou plutôt, l'identité de tous, afin de pouvoir plaire à tous. Pour atteindre cet idéal, il lui faudra limiter l'instruction de la multitude pour qu'elle adhère plus facilement à un mode de pensée unique élaboré par ses intellectuels. Ensuite, il lui faudra rejeter toute espèce de différence en traitant chaque citoyen de la même façon (collège unique, par exemple, dont on a fini par reconnaître que c'était une erreur). Il lui faudra enfin limiter le rôle éducatif des parents qui risquent de s'opposer à la transmission d'une pensée unique à leurs enfants.

La violence est un des mauvais fruits de cette politique. "La démagogie s'introduit quand, faute de commune mesure, le principe d'égalité s'abâtardit en principe d'identité. Alors, le soldat refuse le salut au capitaine, car le soldat, en saluant le capitaine, honorerait un individu, et non la nation" Saint-Exupery, Pilote de guerre. Il n'est pas étonnant que certains refusent l'ordre établi qui contredit le principe d'identité promu par la Démagogie.

Face à la Démagogie, l'homme de la rue, des hommes et des femmes fervents partisans du "bon sens", se dressent. Des garants de la démocratie qui nous préviennent contre la manipulation de la Démagogie. L'homme de la rue existe à tous les niveaux de notre société, ce qui permet de conserver l'espoir d'une réaction salutaire.

Reste que la Démagogie a creusé un fossé entre les gouvernants et l'homme de la rue: deux populations qui ne se comprennent plus comme le montre la multiplication des médiateurs et le peu d'intérêt pour la chose politique. La visite récente d'un membre du ministère de l'Education nationale dans un collège touché par des violences l'illustre merveilleusement bien. A la demande de solutions durables pour endiguer le phénomène, la réponse fut: "nous allons faire ce qu'il faut pour que vous puissiez emmener les enfants à la piscine".

Las de cette Démagogie, l'homme de la rue demande moins de réforme, moins de discours, mais des moyens et une certaine autonomie pour mener à bien ses initiatives et résoudre les problèmes qui lui sont posés selon le bon sens qui est le sien.

Une politique de non intégration des immigrés

La Démagogie a aussi décidé qu'il fallait respecter les différences au nom de la tolérance et éviter de proposer à l'immigré une véritable intégration à son pays d'accueil. Elle a favorisé ainsi le regroupement de populations immigrées qui, tout en vivant physiquement dans le pays, ont la possibilité de vivre en dehors de la République selon l'esprit.

Rachid Kaci, président de Démocratia, tente d'expliquer pourquoi les violences sont souvent le fait de populations immigrées (Le Figaro, 26/01/2000):

"La misère sociale, la vie difficile en banlieue ne peuvent pas tout expliquer. En effet, si la misère, seule, engendrait forcément et inéluctablement la violence, ce serait à désespérer de notre système d'égalité des chances si souvent montré, à juste titre, en exemple dans le monde. Et puis, enfin, si l'affirmation était fondée, nos rues seraient pleines de délinquants!

Il faut trouver les raisons de cette surreprésentation dans le mode d'éducation des familles immigrées d'origine africaine et maghrébine.

Celui-ci est d'une extrême violence, tant verbale que physique. L'autorité du père, par tradition, y est excessive et le système de valeurs est en décalage total avec celui du pays d'accueil, la France.

Les enfants de l'immigration baignent dans cette contradiction perpétuelle entre une vie familiale régie par le respect d'une autorité et une vie en société où la permissivité est de rigueur. Ils ont effectivement tendance à profiter, au mauvais sens du terme, des espaces de liberté que leur offrent la société et l'école en particulier. Ils passent ainsi parfois d'un excès (la soumission parentale) à l'autre, comme pour s'affirmer (...)

Nous avons aujourd'hui des habitants de France, et non plus des Français, faisant état, de plus en plus, d'une appartenance particulière ethnique, religieuse, sexuelle, régionale... avec des revendications bien précises liées à leur propre catégorie sociale."

 

4. Les solutions

Analysons quelques unes des solutions possibles pour freiner le développement de la violence scolaire:

Restaurer l'autorité

On retrouve régulièrement dans la presse ces mots de Platon: "Lorsque les pères s'habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent pas compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu'ils ne reconnaissent plus au-dessus d'eux l'autorité de rien ni de personne, alors c'est là (...) le début de la tyrannie"

Preuve que le phénomène n'est pas nouveau. Mais preuve aussi que le laxisme avec les jeunes est le plus grand tort qu'on puisse leur faire. Les jeunes ont besoin d'autorité et ils la demandent. Le symbole du mauvais prof est pour eux celui qui ne se fait pas respecter par ses élèves, celui qui n'arrive pas à imposer le silence, celui qui n'ose pas imposer des règles de comportement strictes.

La notion d'autorité est indissociable de la notion de hiérarchie. Restaurer l'autorité passe par différentes étapes:

- Arrêter de dire à l'élève qu'il est au centre du système éducatif, que les enseignants sont à son service, qu'il ne doit apprendre que s'il en a envie en refusant de pénaliser son absence de travail. L'élève se considère comme un client de l'école avec les droits habituels du consommateur: c'est à l'école de mettre en oeuvre les moyens d'assurer la fidélité de ses clients. Que les élèves considèrent davantage la chance qu'ils ont de pouvoir être scolarisés: qu'ils aillent apprendre ce qu'est l'obéissance et le respect des enseignants auprès des enfants des chiffoniers du Caire qui n'ont que l'instruction pour sortir de leur misère.

- Réformer la justice des mineurs pour enlever la peur au ventre des enseignants et des policiers. Les mineurs délinquants sont de plus en plus jeunes et, si on les juge non responsables de leurs actes, imaginons ce qu'ils peuvent être capables de faire s'ils n'ont pas de limite à leur action, s'ils n'ont aucune crainte de la répression.

- Donner aux enseignants les moyens d'appliquer des sanctions exemplaires en s'engageant à les protéger en cas de plainte déposée par les parents. Il n'est pas nécessaire de frapper les élèves et ce n'est plus de notre époque, heureusement. Mais les enseignants doivent-ils continuer à se laisser frapper ou insulter par leurs élèves? Tout le système de sanction est à repenser.

Aider les parents dans leur tache d'éducation

De tout temps, les parents ont été les mieux placés pour transmettre des valeurs à leurs enfants. C'est l'une de leur tache essentielle mais aussi l'une des plus difficiles. Surtout lorsque l'évolution de la société tend à dissoudre la notion même de valeurs communes.

Le respect de l'autre et des choses est l'une de ces valeurs. Et cela s'apprend dès le plus jeune âge.

Martine Gruère, directrice de l'Ecole des parents et des éducateurs à Paris, donne cet analyse de la crise de l'autorité parentale (Le Figaro, janvier 2000): "Les parents sont passés, en une ou deux générations, du "Tais-toi et obéis" à la sacralisation d'un enfant sur lequel ils ont tout investi, jusqu'au sens de leur vie, puisque ni leur couple ni leur travail ne fonctionnent. A force de s'entendre disqualifier par les spécialistes et de fonder trop d'espoirs sur leurs enfants, les parents tremblent de mal faire et n'osent plus tenir de discours directif."

Les parents sont ni irresponsables, ni désemparés: ils ne savent pas faire, tout simplement. Les enfants ont évolué, la société est devenue plus permissive, les droits individuels ont été valorisés à l'excès. Les parents doivent s'adapter et tenir un rôle auquel ils n'ont pas été préparés.

Il est donc urgent d'aider ces parents:

- en valorisant leur tache éducative par une politique familiale ambitieuse (rénumération de la femme au foyer, aménagement du temps de travail pour ceux et celles qui ont une mission éducative, stabilisation des mariages contractés comme un moyen excellent de garantir la responsabilité éducative de chacun des parents)

- en créant des lieux d'écoute ou de rencontre ou l'on puisse apprendre à transmettre des valeurs à ses enfants, en développant des attitudes adaptées en famille. De telles initiatives sont en train de se développer

- en restaurant le rôle du père qui, dans les familles décomposées ou recomposées, ou simplement pour des raisons d'éloignement géographique liées aux exigences du travail, tend à tenir une place négligeable dans l'éducation des enfants. Il est pourtant aujourd'hui très clair que, dans le couple, c'est le père qui représente l'autorité et assure la transmission de cette valeur fondamentale qu'est l'obéissance. Il y a là une réforme du code civil à opérer.

Lutter contre l'échec scolaire

La corrélation entre les violences et le taux d'échec scolaire est très nette. Lutter contre ce nouveau fléau, c'est redonner l'espoir à des jeunes qui ne se croient capable de rien et traduisent leurs échecs par la violence.

A diverses reprises, l'Education Nationale lance des expérimentations dans des établissements pilotes qui ont un objectif commun: s'occuper davantage et mieux des élèves qui ont des difficultés scolaires. Les résultats de ces expériences sont le plus souvent positifs. On s'attendrait à les voir généralisées, mais ce serait sans compter sur les restrictions budgétaires, les priorités électorales, les pressions des syndicats ou autres mystérieuses forces qui amènent à penser que ce qui marche est le plus souvent voué à être abandonné.

La prolifération des associations de soutien scolaire, des manuels ou CD-Rom d'accompagnement scolaire, des rapports accablants sur la baisse du niveau des élèves sont des signes que le système éducatif ne fonctionne pas bien en ce moment.

Eduquer les jeunes à la citoyenneté

Pour être à la mode, il faut éduquer à la citoyenneté. L'idée est noble et nous aurions tort de la rejeter. Nous nous permettrons simplement de nous interroger sur l'efficacité d'une telle démarche.

L'Education à la citoyenneté, c'est le respect d'un code de société. La vie en commun implique des règles qui doivent être respectées sous peine de troubler l'ordre de la cité. Nous demandons donc aux jeunes adolescents d'adhérer à ce code.

Mais, quels sont les fondements de ce code? La notion de citoyenneté représente-t-elle un idéal suffisamment attrayant pour les jeunes?

On a le droit d'en douter autant que l'on peut douter de la citoyenneté de nombreux adultes, dont certains ont même une position sociale élevée.

Cette citoyenneté est un leurre qui ne peut répondre au mal-être de nombreux jeunes. Beaucoup la voit comme une hypocrisie. Une sorte de politiquement correct qui masque des comportements individuels souvent à l'opposé du discours citoyen.

Les jeunes n'ont pas besoin de codes mais de repères, de valeurs fondées sur une réalité plus forte que celle de vivre en société.

Cette réalité qui pourrait leur permettre de construire un comportement citoyen, c'est la conscience de leur humanité et des formidables ressources qu'elle renferme. C'est la connaissance d'eux-même, la découverte de la richesse de leur vie intérieure. C'est lorsque l'homme s'humanise qu'il se socialise, qu'il comprend les autres et les choses, et qu'il apprend à les respecter.

Ceci demande de revenir à l'étude de ce qui fait qu'un homme est homme. Les droits de l'homme ne sont pas des codes sociaux mais une conséquence de la dignité de la nature humaine. Reconnaître cette dignité dans toute sa dimension, c'est un premier pas vers la non-violence.

Les grandes religions avaient pour effet d'amener l'homme à approfondir la connaissance de lui-même. Les premiers philosophes grecs en voyaient aussi la nécessité. Qu'est-ce qui pourrait permettre aujourd'hui à l'homme de se redécouvrir: pourquoi pas cette question si préoccupante de la violence à l'école?

5. Une étude démonte un à un les mécanismes de la violence des mineurs

Pour l'universitaire Eric Debarbieux, la répétition continue des "micro-violences" et leur visibilité permettent aux jeunes des quartiers de construire jour après jour un pouvoir fondé sur la loi du plus fort. Cette logique de territoire s'accompagne de comportements machistes.

Le titre – L'Oppression quotidienne – se veut volontiers provocateur, mais la démarche est scientifique: dans un rapport sur la délinquance des mineurs, remis à l'Institut des hautes études de la sécurité intérieure (Ihesi), Eric Debarbieux démonte les mécanismes de la violence des jeunes, en offrant une nouvelle grille de lecture des rapports de forces dans les quartiers.

Directeur de l'Observatoire européen de la violence scolaire, et professeur en sciences de l'éducation à Bordeaux, M. Debarbieux a conduit avec une équipe de six chercheurs une étude de trois ans à partir d'entretiens, d'observations ethnographiques et d'enquêtes de victimation. L'objectif de l'équipe était de parvenir à "comprendre comment un certain nombre de 'quartiers' en France, 's'arrangent avec la délinquance des mineurs'". Se plaçant du point de vue des victimes, mais aussi de celui des agresseurs et de l'ensemble des jeunes, il tente de décrire "ce que les adolescents rencontrés désignent sous le nom de 'loi du plus fort'".

Le rapport s'ouvre sur deux exemples très différents de comportements violents adoptés par des mineurs. Celui d'une rue d'un arrondissement du nord de Paris, "tenue" par un groupe d'une quinzaine d'adolescents, qui multiplient les nuisances sonores, les squats des escaliers, les visites de boîtes aux lettres, les tags sur les murs, etc. En raison de l'ensemble de ces "petits délits, très rarement pénalisés", l'espace public est "contrôlé par une minorité plus ou moins violente entraînant la majorité (des habitants) à se calfeutrer chez soi la nuit tombée". L'autre exemple est la description de "la souffrance individuelle d'une adolescente", qui a subi brimades et rackets pendant des mois de la part d'une autre jeune fille. Dans ces deux expériences "si dissemblables", Eric Debarbieux voit un "principe unificateur": celui d'une "oppression quotidienne" qui fonde "la domination".

La répétition des actes: selon Eric Debarbieux, elle est au cœur de la logique délinquante. C'est par la réitération de ces petits faits, petites agressions ou micro-violences, que le jeune, seul ou en groupe, assoit sa domination sur les autres. M. Debarbieux parle d'un "mécanisme de harcèlement", qui permet la "construction d'un pouvoir: pouvoir sur les plus faibles et sur les pairs, réputation dans le collège ou dans la rue, occupation de l'espace et du territoire". Ce harcèlement quotidien, "ces 'micro-violences' qui forment la trame de ce que nous nommons 'l'oppression quotidienne'", provoquent, chez les victimes, des "mécanismes de repli sur soi, d'impuissance, d'angoisse" et finalement, "d'abandon de l'espace public".

Certains habitants deviennent ainsi de simples "passants", développant des stratégies d'évitement des lieux occupés par les jeunes. Créant "du vide par du désordre", cette conquête du territoire permet, dans certains cas, de créer des économies parallèles, notamment autour du trafic de haschich. "Pour les victimes, la délinquance est une oppression qui a réussi, dans l'espace et la durée, note l'étude. Elle est le triomphe d'une loi du plus fort, et le signe d'un abandon des institutions protectrices."

La loi du plus fort: ce thème est apparu central dans toutes les enquêtes menées par l'équipe. La loi du plus fort est une expression utilisée par l'ensemble des adolescents rencontrés, de Marseille à Tourcoing en passant par Paris et Bordeaux. Elle se joue dans les événements qui échappent ordinairement aux yeux des adultes et ce, "par la construction d'une hiérarchie basée sur la force, largement imprégnée de modèles masculins machistes". La "violence verbale" est une des marques "de cette prise de pouvoir", tout comme les vêtements de marque, qui signent la domination par "la possession d'éléments socialement prisés".

La loi du plus fort ne prend sens que par rapport à la figure du "faible", celui qui se fait embêter, racketter et brimer régulièrement. "Dans un fonctionnement qui favorise les tchatcheurs, les introvertis, les timides, sont méprisés et victimés", explique M. Debarbieux. Les faibles sont ainsi rapidement identifiables: quand on les pousse, ils ne répondent pas, ou pis, demandent pardon et s'excusent. Ces "tests de sélection", qui débouchent rapidement sur des brimades, sont pratiqués en groupe, afin d'affirmer la vulnérabilité du faible et la force du fort.

Le machisme ordinaire: il constitue "l'arrière-plan" de la loi du plus fort. Les jeunes répondent en effet à un "code des garçons", qui fonctionne de manière "impérative comme véritable construction de l'honneur". L'adolescent se doit de faire preuve de force de caractère, afin de surmonter toute une série de situations décisives comme les insultes, les ragots, les mauvais regards, ou les bagarres, les "steaks" (gifles sur la nuque) ou les vols et rackets. "Lors de ces situations sociales, l'individu offensé est exposé au jugement des autres pairs, qui vont évaluer en lui sa force de caractère", explique le chercheur. Ce que résume Soufy, 12 ans, de Marseille: "Ben, je fais comme d'habitude, si il y a quelqu'un qui me frappe, qui me touche, et ben je le touche, s'il me tue tant pis, mais je ne me laisse pas faire."

Largement dominant dans les quartiers, le code des garçons rejaillit aussi sur la socialisation féminine: les filles adoptent ce qu'elles appellent le "style à la crapule" consistant à donner "une image plutôt masculine de soi-même en portant des survêtements, des baskets". Choisir un look de garçon, c'est aussi une manière de se protéger des agressions sexuelles. Le "machisme féminin est sans aucun doute l'une des manières de résister à la domination masculine", analyse M. Debarbieux. Une logique expliquée par Astrid, considérée comme une "guerrière" par ses pairs: "Comment on peut être forte? Par les bagarres, par la manière de s'habiller, par la manière de se comporter face aux adultes – comme des garçons, quoi!"

La visibilité: paradoxalement, la violence des jeunes ne cherche pas à se cacher: elle n'a de sens que si elle est visible. Pour l'équipe de chercheurs, le "fort" a besoin "d'un public, qui valide la place dans la hiérarchie du quartier". Il faut être visible pour être reconnu comme dominant par les pairs, par les faibles, par les autres forts et par les institutions. Le jugement des autres étant permanent, il faut, pour "garder sa place au sommet de la hiérarchie", que la délinquance s'inscrive dans "la répétition et la continuité". D'où le harcèlement permanent des victimes. Exprimé autrement par les adolescents: "pour faire son mac" ou "faire sa reine", il faut une cour et des "bouffons".

Le phénomène doit être toutefois relativisé. "Le fort doit toujours aller plus loin, il n'y a pas de retrait possible pour lui, tant qu'il veut garder cette place." En ce sens, il est instrumentalisé par ceux qu'il protège. Eric Debarbieux explique ainsi que la majorité des adolescents, bien que concernés par la loi du plus fort, savent aussi l'utiliser "en se gardant de deux pièges": être agressé et briguer une place dans la hiérarchie.

Luc Bronner et Cécile Prieur

6. Besançon: Une collégienne torturée par deux de ses camarades

Poignets tranchés, gorge entaillée, le corps en sang, une adolescente a été laissée agonisante par deux de ses amies. Le parquet soupçonne une rivalité amoureuse sur fond d'influence sataniste.

Besançon de notre correspondant

Les gendarmes accourus samedi 16 mars à l'hôpital de Besançon (Doubs) ont découvert "une petite momie, entourée de bandelettes." Ceux qui se sont rendus sur le lieu du crime dans la commune de Saint-Vit, à 15 kilomètres au sud de la capitale franc-comtoise, ont eu "la nausée" en apercevant les flaques de sang sur le sol de la cave.

"La victime, lorsque des riverains l'ont trouvée, en avait déjà perdu plus de deux litres, confirme Jean-François Porietti, substitut du procureur de la République. La température du corps était tombée à 34° et le médecin-légiste est formel: une demi-heure plus tard, elle serait morte." La victime, une adolescente de 14 ans, survit désormais prostrée dans sa chambre d'hôpital, sous calmants. Ses bourreaux, eux, ont été mis en examen, mercredi 20 mars, pour "tentative d'homicide volontaire sur mineur de moins de quinze ans, accompagnée d'actes de torture, de barbarie et de séquestration" et écroués. Ce sont deux de ses copines du même âge, dont l'une fréquentait le même collège privé.

Les parents, aussi, se connaissaient. "Ce sont tous des gens ordinaires, sans histoires, cadres moyens ou employés", confirme le magistrat. Selon le récit reconstitué par les enquêteurs, les trois jeunes filles étaient d'ailleurs allées déjeuner le jour des faits dans la famille de l'une d'elles.

L'ambiance était bonne et au sortir du repas, toutes auraient décidé de se rendre dans une maison de retraite désaffectée, proche de la rivière. Elles auraient forcé un volet puis auraient grimpé sous les combles et consommé six ou sept bières qu'elles avaient apportées.

Ensuite, deux d'entre elles se seraient adonnées au "jeu de la gifle". Quelques calottes auraient été échangées, jusqu'à ce qu'une claque, un peu plus forte, provoque le drame. Celle qui l'avait reçue se serait emparée d'une canette. Elle aurait alors frappé son amie puis l'aurait blessée au visage avec un tesson. La troisième collégienne, treize ans, se serait mêlée à la bagarre.

Selon les enquêteurs, l'adolescente qui mène les représailles tente alors d'étrangler son adversaire. En vain. Elle sort un grand couteau de cuisine de son sac et assène plusieurs coups à sa victime. Le manche se brise. Elle s'empare de la lame à pleine main, frappe encore. La victime est en sang. On lui cogne la face contre les murs, "comme pour effacer sa beauté", confie un enquêteur. Les deux complices l'auraient descendue à la cave, en la tirant par les pieds sur trois étages. Arrivée sur place, la plus agressive lui aurait ouvert les veines des poignets, puis aurait tenté de l'égorger. Le calvaire dure alors depuis plus d'une heure. Les gamines abandonnent leur proie.

PROJET D'INCENDIE

Toujours selon le récit des enquêteurs, elles quittent le sous-sol, non sans avoir pris la précaution d'ôter la poignée de la porte pour interdire toute fuite à leur camarade agonisante. Elles effacent les traces de sang dans le grenier, dans l'escalier, au rez-de-chaussée. La benjamine va chez elle récupérer des vêtements propres. Leur objectif, maintenant, brûler le corps de leur victime. Mais le pompiste de la station du supermarché auquel elles demandent d'emplir d'essence une bouteille de limonade vient de clore sa caisse. Il refuse de les servir.

Le projet d'incendie est reporté au lendemain. Les deux filles se séparent. Mais la plus jeune rencontre son compagnon, un marginal de vingt et un ans. "On a fait une connerie, viens voir ", lui dit-elle. Voyant l'adolescente qui gémit et implore son secours, le garçon panique et repart avec sa compagne, ce qui lui a valu mercredi une mise en examen pour "non-assistance à personne en danger". Il a été laissé en liberté.

"Comme il n'a pas refermé la porte, elle a réussi à gravir seule l'escalier, sortir et ramper à travers le jardin jusqu'à la rue, à soixante mètres", explique Jean-François Porietti. Le voisin qui a vu le corps sur la chaussée a d'abord cru à un accident. Le soir même, les gendarmes n'ont pas pu auditionner la blessée. Lundi, aux urgences pédiatriques, ils ont obtenu les noms des deux tortionnaires. Arrêtées, celles-ci ont affronté l'interrogatoire avec calme, la plus âgée avouant juste sa "honte" devant les photos prises par les enquêteurs.

La piste de la "rivalité amoureuse" est envisagée. Un garçon, scolarisé dans le même établissement que les deux filles, avait auparavant demandé à la meneuse le numéro de portable de sa copine "si belle".

Le parquet envisage aussi un acte satanique. "Lorsqu'elle avait onze ans, la plus jeune, qui a déjà effectué des fugues et a été suivie sur le plan psychologique, a profané des cimetières avec une bande de skinheads, révèle Jean-François Porietti. En outre, l'une d'elles a fait allusion à Scream et l'un des gendarmes croit que le couteau employé ressemble à celui du film... " D'où l'autre grande question posée par la présence du couteau de boucher dans le sac de la principale protagoniste: y a-t-il eu prémédition?

Jean-Pierre Tenoux

Le Monde du 22.03.02

 

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